Blois Kendo

Nouveau site web Blois Kendo

Attention : notre site web a déménagé

 

 

Vous pouvez trouver toutes les informations concernant notre club sur le nouveau site web Blois Kendo :

http://blois.kendo.free.fr/

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Mokuso?

 

Le bruit court qu’il ne faudrait plus dire « mokuso » lors des entraînements de kendo... On pourrait encore le faire, mais pas le dire ! Et on pourrait aussi ne le pas le faire… Au choix… Choix de qui ? Du sensei, de l’enseignant ? Du pratiquant ? De la Fédération ? Et pourquoi  ne plus dire « mokuso » ? Est-ce la  volonté de quelques pratiquants de kendo ou de la ZNKR ? Volonté d’effacer ce que certains pratiquants ne comprennent pas ? Ou considèrent que ça ne sert à rien ? Volonté d’éliminer une pratique issue d’une religion ? Pour ne pas choquer ? Pour lisser, aplanir, uniformiser, aseptiser ? A ce jour, aucune consigne officielle de la ZNKR ne semble être passée par le CNK jusqu’aux clubs, alors ce n’est peut-être qu’une fausse rumeur,  mais je pense que ce serait une erreur d’éliminer le terme et la pratique du « mokuso » lors de nos entraînements de kendo et iaido.

Oui, « mokuso » est issu du bouddhisme… Tout comme le kenjutsu est devenu kendo au contact du bouddhisme… (Je ne parle ici que du bouddhisme, mais il y a aussi le Shinto et le Confucianisme qui ont modelé l’art du sabre). Je suis persuadé que sans le bouddhisme Japonais, le kendo n’existerait pas et la technique du sabre Japonais serait tombée en désuétude, comme celle de l’escrime des chevaliers occidentaux.  Et pourtant, Dieu merci (si j’ose dire !), pas besoin d’être bouddhiste pour pratiquer le kendo ! Le kendo sportif qui s’est développé après la seconde guerre mondiale a gommé ses influences historiques et spirituelles, du moins dans son développement international, mais ne les a pas rejeté et en a conservé ce qui en fait l’essence. Et c’est en cela que le kendo reste un art martial, et non un simple sport.

Et comme justement, depuis  quelques temps, je m’intéresse aux liens entre le kendo et le bouddhisme et qu’il y a énormément de choses à dire sur le sujet (et que progresser dans la connaissance de ces liens est passionnant),  mon sang n’a  fait qu’un tour quand j’ai appris qu’il ne faudrait plus dire « mokuso » ! Alors je vous livre ci-dessous quelques notes recueillies sur « mokuso ». Ce n’est qu’une sorte de brouillon très incomplet d’un chapitre de ce qui devrait être une véritable encyclopédie « Kendo et Zen » ! N’étant ni un maître de kendo ni un maître du bouddhisme, les propos qui suivent n’engagent que moi et comportent certainement des approximations ou erreurs : je ne demande qu’à les corriger grâce à vos remarques !

Olivier de Lataillade

[edit le 27/11/2013: depuis la rédaction de cet article, Minori Daniel-Endo a rédigé un article apportant des explications et précisions bien utiles sur les consignes dans un dojo: "les Français aiment Mokuso" . Merci à Minori pour ces précisions!]

 


 

Mokuso : un instant de méditation

Chaque entraînement de kendo commence et se termine par mokuso.

Tout d’abord, les pratiquants de kendo, les kenshi, se mettent en seiza : à genoux, les jambes sous les cuisses, les pieds sont à plat sur le sol et les fesses reposent sur les talons. Les mains sont posées naturellement sur le haut des cuisses, paumes vers le bas. Le dos est bien droit, les épaules sont relâchées. Pour les hommes, les genoux sont écartés de la largeur de deux poings, pour les femmes les genoux sont collés l’un contre l’autre.

Seiza, signifiant « être assis de manière correcte »,  est la position traditionnelle et révérencieuse de s'assoir des Japonais, depuis l'ère Tokugawa (1600) jusqu'à nos jours.

Pour faire mokuso à partir de la position seiza, les kenshi joignent leurs mains devant eux d'une manière bien précise devant leur ventre : main gauche reposant dans la main droite, posées sur le haut des cuisses, paumes en l'air et les deux pouces s'effleurant ; paumes et pouces forment un ovale. Ils gardent leur dos droit et leurs épaules relâchées, ferment à moitié ou totalement leurs yeux et respirent profondément par le ventre de façon lente et silencieuse. Le corps est totalement décontracté, sans aucune crispation ou tension de quelque muscle que ce soit, ce qui ne veut pas dire avachi. 

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En japonais moku, 黙 (もく), veut dire « silence » et so, 想 (そう), signifie « pensée », ce qui fait qu’une traduction littérale de mokuso pourrait être « penser en silence ». Au nouveau pratiquant occidental de kendo, il est souvent expliqué que cet instant de silence permet de se « vider l'esprit », d'oublier les tracas du quotidien et de chasser les pensées et idées parasites qui assaillent notre esprit, ce qui lui permettra de pleinement intégrer l’enseignement donné par le sensei et réaliser les combats au sabre. En fin de séance d’entraînement, les kenshi font à nouveau mokuso, pour à nouveau vider l’esprit des pensées parasites qui auraient pu naître lors de l’entraînement et retrouver la sérénité.

Penser « Je ne penserai pas »

C’est déjà avoir une pensée en tête.

Ne pensez simplement pas

A ne pas penser du tout

(Poème ancien cité par Takuan Soho, XVIIème siècle)

 

Comme il est très dur de ne penser à rien, il est demandé au kenshi de se focaliser sur une respiration juste tout en gardant une position parfaite du corps : ne pas gonfler ses poumons (ce qui aurait pour effet de contracter les épaules) mais inspirer lentement et profondément par les narines en gonflant le ventre ; bloquer un court instant la respiration, puis expirer très lentement par la bouche (qui reste fermée) en poussant les intestins vers le bas, jusqu’à ce que les poumons soient entièrement vides  (des variantes existent sur la façon de respirer, mais ce n’est pas le propos de ce texte). Penser à sa respiration n’est pas « penser à rien » mais permet de ne penser à rien d’autre, ce qui est déjà pas si mal !

Cette façon d’appréhender le mokuso  n’est pas fausse et peut se suffire à elle-même, mais il faut savoir que ce n'est rien d'autre qu'une forme de méditation  Zen ! Ce n'est pas qu'un simple moment de relaxation ou de concentration, car on y cherche vraiment à se « vider l'esprit », c'est à dire à se mettre en condition pour atteindre mushin, la non-pensée.

Le terme "méditation" n’a pas la même signification dans le sens oriental que dans son sens occidental. Pour les occidentaux, la méditation se définit souvent comme "une réflexion profonde sur un sujet", pour les orientaux il s’agit d’un exercice spirituel qui consiste au contraire à évacuer les pensées, les concepts, les sentiments et les émotions de façon à faire apparaître la nature profonde pure et vide de l’esprit (voir http://www.buddhaline.net/La-meditation-bouddhique-une-voie, Dr Trinh Dinh Hy)

Minoru Kyota (dans « Kendo: Its Philosophy, History and Means to Personal Growth ») compare la position utilisée pour le mokuso à la position du lotus utilisée pour la méditation Zen ou Shingon. Le but des deux positions est le même, les éléments à respecter sont identiques (dos, épaules, yeux, respiration, etc). La différence dans l'assise (seiza vs lotus) vient du fait que le samurai devait être disponible à tout moment pour pouvoir bondir en dégainant son sabre. Il est facile de comprendre qu'il est plus rapide de bondir à partir de la position seiza qu'à partir de celle du lotus !

La position des mains (telle que décrite plus haut) lors du mokuso est également issue du bouddhisme : c’est un mudra, position codifiée des mains ayant une signification symbolique. Les cinq doigts de la main gauche symbolisent les cinq éléments (terre, eau, feu, vent, vide) de l’humanité et les cinq doigts de la main droite représentent ceux du cosmos. Le mudra utilisé en kendo symbolise ainsi l’intégration de l’homme et du cosmos. Au-delà de cette symbolique qu’on n’est pas obligé de connaître (si ce n’est par curiosité intellectuelle), la position des mains permet, si elle est respectée, de s’assurer d’être parfaitement détendu, sans crispation musculaire des mains, des bras, des épaules, du corps…

Il y a toutefois une différence entre la méditation zazen (en lotus face au mur) et le mokuso du kendo: dans le premier cas l'objectif est de « regarder à l'intérieur de soi-même », alors que dans le deuxième cas le but est de « lire l'intention de son adversaire ». Mais dans les deux cas, ceci n'est possible que par la non-intrusion de l'intellect dans l'esprit.

L'importance du mokuso, parfois négligée dans les dojos modernes, est donc fondamentale pour la compréhension de la voie du sabre. En faisant mokuso, le kenshi est censé réaliser la fusion corps-esprit et se mettre dans l'état de non-esprit (mushin) qui lui permettra de combattre.  Minoru Kyota fait là une différence entre les sports occidentaux qui utilisent la relaxation (détente, absence d’attention et d’effort) pour contrôler l’anxiété, et le kendo qui préconise la méditation pour maîtriser l’ego.

Consciemment ou inconsciemment, pour peu qu'il soit sincère dans sa pratique du mokuso en cherchant à se « vider l’esprit », le kenshi réalise alors une forme de méditation Zen. Rien de magique là-dedans, les bienfaits du mokuso ne sont pas forcément directement mesurables, mais puisqu’on pratique un art martial issu de la culture Japonaise et puisqu’on veut en garder l’âme, on se doit de comprendre le lien corps/esprit qui est à la base de cette culture.

Bien souvent, dans nos dojos, la durée de cette méditation est beaucoup trop courte : il faudrait qu’elle dure au moins le temps de cinq respirations, voire dix… La pratique de mokuso ne permet pas à elle seule de devenir un bon pratiquant de kendo (sinon tous les moines bouddhistes seraient d’excellents kenshi !), mais en maîtriser la pratique permet certainement de progresser sur la bonne voie.

Et savoir d’où ça vient ne peut pas faire de mal…

Olivier

 PS: en tout cas, en voici un qu'on n'empêchera pas de faire mokuso: Miyamoto Musashi:

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 (statue de Miyamoto Musashi à Reigando, Kyushu, photo (c) Oriibu 2013)

 

 

 

Posté par Oriibu à 19:35 - - Commentaires [4] - Permalien [#]

La ZNKR est-elle une secte Zen?

Non.

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Non, la ZNKR (Zen Nihon Kendo Renmei) n’est pas une secte zen !

 

Le « zen » qui figure dans le nom de cette association signifie « tout », ce qui ne veut pas dire « zen » !

 

 

Un peu de japonais :

Japonais (kanji)

Prononciation [hiragana]

français

zen' [ぜん]

tout / tous / la totalité / complètement

zen' [ぜん]

Zen (bouddhisme)

zen' [ぜん]

avant / devant / anciennement / précedent / ci-dessus

zen' [ぜん]

le bien / la vertu

日本

nihon' [にほん]             

Japon

剣道

ken'dou [けんどう]

kendo

連盟

ren'mei [れんめい]

ligue / union / alliance / fédération

  

Zen Nihon Kendo Renmei  (全日本剣道 連盟) signifie donc « Fédération de Kendo de Tout le Japon », c'est-à-dire plus simplement Fédération Japonaise de Kendo.

Cette fédération est membre de la FIK (Fédération Internationale de Kendo) dont le siège  se trouve à Tokyo, au siège de la ZNKR, et dont le président est le président de la ZNKR !

Autrement dit, pour des raisons historiques et culturelles bien compréhensibles, la ZNKR est la fédération qui, dans les faits,  s’occupe du développement du kendo dans le monde et en garantit l’esprit.

à+

Olivier

Posté par adaki à 17:34 - - Commentaires [0] - Permalien [#]

La façon de se mettre en garde, selon Miyamoto Musashi

 

 

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Dans le chapitre « Eau » du Gorin No Sho(1), Miyamoto Musashi nous indique les 5 gardes (2) de son école(3). Bien qu’il ne parle que des gardes avec un seul sabre, on retrouve bien les 5 gardes du gohou no kata enseigné dans le Noda Ha Niten Ichi Ryu qui se pratique avec les 2 sabres, mais dont la différentiation se fait par la position du grand sabre (tachi) :

  • Chudan : sabre dirigés en face de soi
  • Jodan : sabre au-dessus de la tête
  • Gedan : pointe du sabre dirigée vers le bas
  • Hidari waki : sabre dirigé vers la gauche
  • Migi waki : sabre dirigé vers la droite

 

5positions

 

 A part gedan où le petit sabre (kodachi) prend la même position que le tachi en pointant vers le bas,  les 4 autres gardes se font avec le kodachi en position chudan (pointe orientée vers le visage de l’adversaire).

Pour Miyamoto Musashi,  il n’y a « aucune autre façon de se mettre en garde » que ces 5 gardes, tout le reste n’est donc que fantaisie. Et en fait, peu importe la garde que l’on prend, car la seule chose qui compte est de pourfendre l’adversaire. Ce rappel est essentiel dans la philosophie de Musashi !

Par ailleurs, il classe les gardes en 2 catégories : grande ou petite. Dans cette dernière, il met les 2 gardes waki (côté gauche ou côté droit) qu’il considère comme des jeux qui ne sont à utiliser que lorsque la configuration des lieux ne permet pas de prendre une des gardes de la première catégorie.  Les 3 autres gardes (jodan, chudan, gedan) sont donc les « grandes gardes », considérées comme « substantielles », c'est-à-dire génératrices d’efficacité. Et parmi ces 3 gardes, la plus essentielle est chudan, sabre dirigé en face de soi, pointe vers le visage de l’adversaire.

gardes

 

Chudan, garde essentielle

Chudan est le « fond de toute mise en garde », celle qu’il convient de maîtriser parfaitement avant de s’aventurer dans les autres façons de se mettre en garde. Dans le gohou no kata, le petit sabre est d’abord placé en chudan avant que le grand sabre ne se positionne différemment pour se mettre en jodan ou waki. Musashi compare chudan à la position du général en chef d’une armée en position de bataille.

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Miyamoto Musachi, garde chudan

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Araki Akihiro sensei, garde chudan

 

Quoiqu’il en soit, Musashi termine cette partie du chapitre « Eau » par son traditionnel « réfléchissez-y bien », laissant à chacun le soin de comprendre pourquoi chudan est la garde essentielle.

 

Ne pas se préoccuper de la garde

Dans le chapitre « Vent » (4) , Miyamoto Musashi revient sur les gardes en faisant une vive critique des gardes employées dans les autres écoles ! Et il insiste sur ce qui est fondamental dans sa philosophie : se préoccuper TROP de la garde en elle-même est une grave erreur, le seul objectif d’une mise en garde étant d’obtenir la victoire.  Cela ne veut évidemment pas dire que la garde n’a pas d’importance, mais que les gardes dont les seules raisons d’être  sont  des coutumes ancestrales ou un effet de mode n’ont aucun sens.

 

 

 

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Duel entre Sasaki Kojiro et Miyamoto Musashi (à Ganryujima)

 

Etre sur ses gardes mais sans garde

Musashi explique que, s’il est vrai qu’on garde un château en restant immobile,  se mettre en garde avec son sabre signifie essayer de prendre l’initiative, à chaque instant et à chaque pas, donc en étant mobile. Et, de façon apparemment contradictoire, il ajoute que l’esprit de garde est un esprit d’attente de l’initiative de l’adversaire. La contradiction n’est qu’apparente car Musashi veut dire qu’il faut avoir l’esprit libre pour être capable de prendre l’initiative au moment opportun, ou être capable de réagir instantanément face à toute initiative de l’adversaire.  Cette initiative d’attaque que prend l’adversaire est une « fausse » initiative, car en fait elle provient d’une émotion provoquée par la garde qu’il a en face de lui, le faisant agir précipitamment et dans la peur. C’est à ce moment précis que l’on peut prendre la victoire. Miyamoto Musashi précise sa pensée en nous disant que son école, le Niten Ichi Ryu, recommande d’être « sur ses gardes mais sans garde ». Voilà pourquoi ce n’est pas dans sa forme que la garde est importante, mais dans son esprit.

Cette notion d’être « sur ses gardes » se retrouve dans la notion de zanshin que connaissent bien les pratiquants de kendo : avoir l’esprit libre pour réagir instantanément à toute attaque, ou être prêt à attaquer à l’instant même où l’adversaire relâche sa garde.

Musashi extrapole la mise en garde à la tactique de masse : savoir combien de combattants on a en face de nous, connaître le terrain sur lequel va avoir lieu la bataille, connaître les propres forces de ses soldats, les placer en fonction des qualités de chacun….

 

Prendre l’initiative ou répondre à l’initiative

En combat individuel, répondre à l’initiative de l’adversaire en parant ou déviant son sabre équivaut à une armée ripostant à une attaque en fabriquant une haie avec ses armes (lances et hallebardes) pour se protéger, tandis que prendre l’initiative de l’attaque peut se comparer à une armée qui attaque avec ses armes ou une simple haie, avec la même efficacité…

 

Prendre garde sans garde

C’est dans une autre partie du chapitre « Eau » (5) que Musashi explique que, même si il préconise les 5 positions de mise en garde, l’essentiel n’est pas dans le respect strict de la garde elle-même mais dans la position exacte du sabre, pouvant créer une multitude de positions intermédiaires. Si on est en chudan mais qu’on décide de remonter un peu la pointe du sabre, on est déjà en jodan dans notre esprit. En migi waki kamae, si la pointe se recentre un peu et se relève, c’est déjà chudan.  La seule chose qui compte, c’est que le sabre soit dans la bonne position pour pourfendre dans n’importe quelle direction et quelle que soit la réaction de l’adversaire.

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Miyamoto Musashi (Kumamoto)

  

Le principe que Musashi résume dans la maxime « prendre garde sans garde » veut donc dire cela : peu importe la garde, à partir des 5 positions il y a un grand degré de liberté pour la position exacte du sabre, et le seul objectif est de « pourfendre l’adversaire de quelque façon que ce soit ». Il ne faut pas penser à avoir une garde qui  protège. Si dans notre esprit la garde n’est là que pour éviter le sabre de l’adversaire qui attaque, ou de le dévier, le parer, le bloquer, alors on ne pourra pas le pourfendre.

Par contre, si on a une garde sans garde, dont le seul objectif est de pourfendre, alors on pourra  pourfendre l’adversaire après l’avoir évité, dévié, paré ou bloqué…

 

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Miyamoto Musashi (Ichijoji, Kyoto)

 

Et Musashi de conclure par son célèbre « réfléchissez-y bien ». Dans son esprit, cela veut dire « pratiquez bien » !

La notion de garde sans garde est évidemment intéressante à mettre en application en kendo, mais le principe va bien au-delà de l’art martial et chacun pourra y puiser un enseignement philosophique ou spirituel. Réfléchissez-y bien !

 

Olivier, le 23 juin 2013

photos (c) oriibu



(1) Gorin no sho, Miyamoto Musashi, 1643 (traduction de M et M Shibata, « Traité des Cinq Roues », Albin Michel, Spiritualités Vivantes, 1983)

 (2) partie « A propos des cinq façons de se mettre en garde »

 (3) Niten Ichi Ryu

 (4) partie « Préoccupation de la garde du sabre dans les autres écoles »

 (5) partie « Sur la recommandation "prendre garde sans prendre garde" »

 

 

 

Posté par adaki à 22:59 - - Commentaires [0] - Permalien [#]

Musha shugyō, de Hong Kong à Kumamoto

Tel un ronin sans dojo fixe, m’étant provisoirement éloigné de l’ADAKI, j’ai effectué mon Musha shugyō rituel de dojo en dojo de kendo, en commençant par Hong Kong pour finir au Japon, dans l’île de Kyushu.

Le 7 Avril 2013, J’ai  pris l’avion avec mon armure (enfin, je me comprends : l’armure était dans la soute !) pour débarquer à Hong Kong le lendemain afin de rendre visite à mon fiston, canaille de premier ordre. J’avais contacté par mail la HKKA (Hong Kong Kendo Association) et Agnès Lee m’avait gentiment répondu en me souhaitant la bienvenue et en me donnant les lieux et horaires d’entraînement de la semaine. La HKKA est une association qui regroupe les différents dojos de la ville, permettant ainsi une interaction entre chacun d’eux. Idée généreuse à importer en France sans doute, même si à Blois nous n’avons en fait pas trop de problèmes pour regrouper les différents dojos de kendo de la ville !

 

Bons baisers de Hong Kong

Pour mon premier entraînement, le 9 avril, je n'avais pas bien lu le programme: "squad training"... Bref, c'est un peu comme si soudain je m'étais retrouvé en plein entraînement de l'équipe de France, sauf que là c'était l'équipe de Hong Kong!! Le programme fut simple, par groupe de 3: enchaîner Men, Kote men, kote do, men do, men. Puis Men tai atari, men tai atari hiki men, men tai atari hiki kote, men tai atari hiki do, men!!! Puis la même chose avec arai men, puis arai kote men, etc... Comme on fait ça par groupes de 3, il y a un court moment où on peut souffler, et là, croyez-moi, c'est que du bonheur! Tout ça sous la houlette de Kishikawa sensei dont le kendo est, comment dire... impressionnant!

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La 2ème heure fut consacrée à Gi Geiko, et ce fut un vrai plaisir d'en apprendre beaucoup de Lai sensei et Kishikawa sensei. Ce dernier est un vrai maître de kendo, 7ème dan, sachant s'adapter à son partenaire, il m'a même laissé croire que je lui avais mis un men ippon! Malheureusement, je dus m'arrêter lors de mon 3ème geiko pour cause de kote défoncé lors des kihon par l'un de mes partenaires très... énergique.  Mais le mitori geiko fut passionnant.

Le lendemain, je suis allé à l'entraînement dans un autre dojo où je retrouvais un de mes partenaires de la veille, Joseph Chan, et son père Chan Yin Wo, sensei du dojo. Là, changement de rythme: c'était un cours pour débutants! Mais cela ne m'a pas empêché de transpirer en faisant les exercices avec mon partenaire Wo: longueurs de dojo en Men avec fumikomi, en variant toutes les possibilités au niveau déplacements ou enchaînements. Les explications de Joseph Chan étaient très claires et me confirment que, quel que soit le pays, les problèmes et l'enseignement sont les mêmes.

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Puis ce fut mawari geiko dans la superbe salle, réalisé avec un grand plaisir (mon kote ravagé la veille étant protégé par une pommade magique et un bandage!) avec entre autres les Chan père et fils, tous deux excellents kendokas. Et croyez-moi, faire un geiko à Hong Kong en face de quelqu’un qui a un zeken marqué « J.CHAN », c’est impressionnant !

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La soirée s’est terminée dans un restaurant Hongkongais où les Chan m’ont invité pour déguster des  "ramen" de Hong Kong: délicieux et très réconfortant à minuit, après le kendo!

Merci aux Hongkongais pour leur accueil chaleureux, prouvant encore une fois que le kendo est une porte ouverte vers de nouvelles amitiés et cultures, conformément à ce qui est plus ou moins dit dans la profession de foi de la ZNKR!

 

 

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Chez Miyamoto Musashi

Le vendredi 12  avril, j’étais arrivé au Japon et, pour être plus précis, à Kumamoto, sur l’île de Kyushu. Cette ville a une importance capitale pour ceux qui s’intéressent à Miyamoto Musashi, puisque c’est là que le célèbre samurai-philosophe a terminé sa vie, juste après avoir écrit le Go Rin No Sho, « Traité des 5 roues » en français. Et c’est pour cette raison précise que j’étais là !

Grâce à Yoko, j’avais rendez-vous le samedi matin au dojo d’Araki sensei, maître de kendo, iaido et jodo (15 dan au total comme il aime préciser en riant), enseignant du Noda Ha Niten Ichi Ryu, une branche de l’école de sabre créée par Miyamoto Musashi à la fin de sa vie. Il nous a très gentiment accueilli, et m'a parlé de son école avant de me montrer et m'apprendre les 5 premiers kata du Noda Ha Niten Ichi Ryu!

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Puis, après une pause me permettant d’observer l’entraînement d’enfants se préparant pour une compétition de kendo,  j'ai fait geiko avec Araki sensei : ce fut chaud de chez chaud!! Mais, vrai Japonais, il m'a félicité pour mon kendo et m'a dit que je devais remercier mes sensei: alors merci aux sensei qui m’ont transmis leur savoir!

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Ensuite, j'ai fait geiko avec toute une ribambelle de gamins de 8-12 ans, et bien permettez moi de vous dire que ça déménage!! Ils sont impressionnants de vivacité et de ténacité. A la fin de l’entraînement, pour le salut final, Araki sensei m’a demandé de me mettre à son côté et a expliqué à ses jeunes élèves que le kendo se pratiquait aussi en France et ailleurs, et qu’ils devaient donc s’entraîner durement !

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Merci à Araki sensei pour son accueil et son enseignement généreux. Moi qui suis passionné par les kata de kendo, recevoir l’enseignement du Noda Ha Niten Ichi Ryu de la part d’un des successeurs de Miyamoto Musashi fait partie des grands moments de ma vie !

  

 

 

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L’esprit de Miyamoto Musashi :

 

Le lendemain, dimanche 14 avril, alors que nous finissions la visite du site d’une des tombes de Musashi (parce qu'il en a 2! c'est toute une histoire que je vous raconterai si vous êtes sages), j'ai aperçu un kendoka passer sur le parking au moment où on partait. Facile à reconnaître : hakama sous le blouson, gros sac carré en bandoulière, et étui ne pouvant contenir que canne à pêche ou shinai… Par déduction, ce devait être un shinai ! Salutations, présentations, explication… Il allait s'entraîner à 2 pas de là, et hop, sur sa proposition, j'ai pris mon armure dans le coffre de la voiture et je l'ai suivi!

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Voilà comment je me suis retrouvé au club "Musashi Kenshin", dans un superbe dojo en présence d’une quantité impressionnante de 8ème dan et 7ème dan... Entraînement intensif (kihon par 3, décidément ils aiment ça au Japon, il faut dire qu'ils sont serrés dans le dojo!), puis gi geiko. J'avoue avoir rarement pris autant de plaisir et de leçon en kendo en si peu de temps! Evidemment, il n’y a pas de séance d’explication verbale, tout se passe par l’observation, la compréhension de l’attitude et du geste. Et devant de tels modèles… total respect ! 

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A la fin des geiko, par je ne sais quelle maléfice, je me suis retrouvé tout seul au milieu du dojo contre Kasa sensei (8ème dan,  maître du dojo) qui m’a donné une sérieuse leçon sous les encouragements de tous les kenshi ! Quand j’ai mis un beau Men au sensei (sur une ouverture à peine visible… !), ce fut un tonnerre d’applaudissements !

Là aussi, j'ai eu plein de conseils et de félicitations (japonaises), et je pense que c'est un de mes meilleurs entraînements au Japon. Kitamura Kooji sensei (venu en France en 1995 en qualité d’expert ZNKR) m’a notamment rappelé l’adage « plus grand, plus souple, plus fort » en m’indiquant comment armer en grand le sabre, comme si on bandait un arc dans un ample mouvement circulaire des bras… Comme ça devient limpide avec le geste du maître!

 

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Je n’oublierai pas non plus le clin d’œil de Miyamoto Musashi lui-même… Alors qu’il  faisait un temps superbe depuis ces deux jours pendant lesquels je pus  visiter la grotte de Reigando (où il médita et écrivit le Go Rin No Sho), sa véritable tombe et sa tombe officielle, un violent orage a éclaté pendant le gi geiko, éclairant le dojo de la lumière des éclairs…Mon maître zen m’a dit « ce n’est pas un hasard »… !

Et merci à l'homme rencontré sur le parking qui m'a conduit jusqu’au dojo puis chaperonné pendant tout l'entraînement, m’indiquant où me placer, me présentant aux sensei et me guidant à tout moment dans le dojo : grand merci à Kunizono san. 

 

Au Pays de Minori !

Après 2 jours de treck dans l'île de Yakushima pour aller voir un arbre (le cèdre Jomon, vieux de 2200 à 7000 ans selon les estimations, ce qui n'est pas très précis mais fait quand même un âge respectable), j'étais particulièrement fatigué en arrivant à Ibusuki... J'avais laissé mon armure de kendo à Kagoshima, ville où je pensais repasser avant Ibusuki, mais ce ne fut pas possible...

Ibisuki, ville natale de Minori Daniel et donc, à ce titre, ville historique pour le kendo français !

Comme on avait pris rendez-vous avec Nakamura sensei pour ce mercredi soir, je ne pouvais pas me permettre de ne pas aller au dojo sous prétexte que je n’avais pas mon armure. De toute façon, y aller serait une très bonne occasion de faire mitori geiko (entraînement par le regard), ce qui, vu mon état de fatigue ne me déplaisait pas forcément !

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Arrivé au dojo, salle de sport d’un collège d’Ibusuki, nous fûmes accueillis par Nakamura sensei, qui était en tenue de iaido. En fait, les 2 entraînements, iaido et kendo, ont lieu en même temps, dans la salle d'arts martiaux du collège, et Nakamura sensei (7ème dan) supervise les 2 entraînements à la fois.

Je m'excusai auprès du sensei de ne pas avoir ma tenue et mon armure de kendo, mais je lui dis que je serais content de regarder l'entraînement. Au bout de 30 minutes pendant lesquelles je regardai les jeunes kendokas s'entraîner, Nakamura sensei proposa de m'équiper avec son hakama, keikogi et bogu.... Bien que particulièrement gêné, il y a des choses dans la vie qui ne se refusent pas!!! Et en plus, la tenue était parfaitement à ma taille. Magnifique Do en lames de bambou, Kote confortables et parfaitement articulés, Men qui épouse le visage… Revêtir ce bogu relève du rêve éveillé !

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Sans échauffement, il me demanda de faire devant lui kiri kaeshi, puis les kihon (men, kote, do, etc), avant de faire un gi geiko contre un jeune 2ème dan. Je crois m'en être pas mal sorti, mais mon adversaire suivant fût plus coriace: Yoshimatsu sensei, 7ème dan! Quel bonheur de faire geiko avec de telles pointures, Yoshimatsu m'a fait travailler mon kendo comme s'il me connaissait depuis longtemps, sachant me faire accélerer ou me calmer quand il le fallait. Puis au signal de Nakamura sensei, il mit soudain le turbo et je me pris des ippon en veux-tu en-voilà, jusqu'à un nouveau signal à partir duquel je pus reprendre mon souffle et attaquer à nouveau, jusqu'à un beau men ippon final, sous les applaudissements des membres du dojo qui nous regardaient!

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A la fin de l'entraînement, Nakamura sensei me demanda de me mettre en seiza du côté des sensei (trois 7ème dan et un 6ème dan) pour le mokuso. Quel honneur! Tous les kenshi vont ensuite, tous ensemble, saluer chaque sensei, et quand ils vinrent devant moi, je dus faire un petit discours traduit par Yoko! Et quand on est sorti du dojo, on avait presque une haie d'honneur... vraiment incroyable! C’est à moi de les remercier de leur accueil, de leur enseignement et de leur gentillesse, et c’est eux qui me font honneur… Je pense qu'ils sont surpris, et sans doute heureux, de voir un kenshi d'un autre pays que le Japon partagé leur passion de l’art martial du sabre.

De cette expérience, je retiendrai le vraiment excellent niveau de kendo des plus jeunes comme des plus anciens, mais surtout le total respect du partenaire et du reigi (l'étiquette), de façon bien sûr assez naturelle pour les Japonais (mais pas si sûr que ça), qui permet de ne pas perdre une seule minute d'entraînement. Je pense qu'il est fondamental que, dans notre dojo, nous nous approchions de cet esprit qui fait totalement partie du kendo.

Je retiendrai aussi le conseil que m'a donné Nakamura sensei quand je lui ai demandé ce que je devais faire pour progresser... Etre bien de face, pieds parallèles, genoux non tendus mais pas trop fléchis… L’attitude, voilà le maître-mot que, de dojo en dojo, les sensei répètent….

Nakamura sensei m'a félicité pour mon kendo (ah ces Japonais!), et il m'a souhaité bon courage pour le 4ème dan, 5ème, 6ème, 7ème et 8ème!

Je n’ai pas vu Nakamura sensei combattre, mais je sais de façon certaine que c’est un grand maître de la voie du sabre. Totale admiration.

 J’imagine Minori, jeune écolière, passant devant le dojo du collège d’Ibusuki avec son cartable à dos…. Et je la vois aujourd’hui dans son dojo de Carmeaux, transmettant sa passion du kendo à ses élèves… La voie du sabre emprunte des chemins parfois inattendus, mais toujours elle tend vers un même objectif !

 

 

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De ce Musha shugyō dans divers dojos, je n’ai pas appris de technique « magique » nouvelle, et je ne suis sans doute pas meilleur dans ma technique de kendo… Mais l’expérience humaine est grandiose, j’ai vu des personnes à l’attitude physique et mentale rayonnante, et j’ai sans doute un peu mieux compris pourquoi je persiste dans la voix du sabre…

à+

Olivier

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